Ce que nous disent les autres… Parfois, on voudrait en rire. Parce que cela peut être vraiment drôle. Mais parfois aussi, on voudrait en pleurer. Parce que cela nous rappelle la réalité de la maladie chronique. Mais parfois aussi, parce que, sous-couvert de nous aider et de minimiser les difficultés de notre vie quotidienne, cela dénigre la réalité même de notre maladie et sa pénibilité. Et c’est pire encore.
1. Comment ça va?
– Ai-je le droit de donner la vraie réponse : Mal ? Ou cela va-t-il te faire peur et dois-je rester au diplomatique « ça va » ou même « bien »? Serez-vous capable de m’entendre si je vous dis « mal » ? Et moi, ai-je envie de m’entendre dire que ça va mal ?
Je détestais cette question quand je suis tombée malade parce que cela n’allait vraiment pas bien comparé à avant. Et que cela ne me faisait pas plaisir de me le rappeler à chaque fois qu’on me demandait si cela allait bien. Parce que justement cela allait mal.
Avec le temps, j’ai appris à répondre honnêtement à ceux qui pouvaient vraiment entendre la réponse. Et pour les autres, je suis plus ou moins franche en fonction de l’humeur du jour. La question est devenue plus facile à entendre car j’accepte mieux la maladie et ses aléas, j’accepte de ne pas aller bien.
2. Il y a pire!
– Mais oui, bien sûr, il y a toujours pire. Mais il y a toujours mieux aussi.
Etrangement, je n’ai jamais entendu que des gens en bonne santé me dire cela. Comme si les autres malades savaient tacitement qu’une maladie n’est pas toujours ce qu’elle paraît, qu’elle peut être plus douloureuse qu’il ne semble au premier abord et que globalement, avoir une maladie, ce n’est pas une partie de plaisir tous les jours. Alors, bien sûr, il y a pire. Mais qu’on me laisse juge de la difficulté de ma maladie, au quotidien et sur la durée. Qu’on ne me dise pas quelle devrait être mon attitude par rapport à elle. Je sais qu’il y a pire. Je suis consciente de la chance que j’ai, car oui, cela aurait pu être pire, être tout le temps en fauteuil, avoir une maladie dégénérative, être morte (bon, je reconnais que c’est un peu extrême, mais difficile d’imaginer pire pour le coup). Mais le jeu des comparaisons est dangereux car il y a toujours mieux aussi, des gens qui n’ont pas de maladie, qui n’ont pas autant de limites. Se comparer aux autres, encore plus avec une maladie chronique, est un exercice stérile et frustrant. Qui, mieux que nous, malades chroniques, ne pourrait pas comprendre que ce que voient les autres et ce qu’on vit au quotidien peut grandement différer ? Les autres ne voient pas les week-ends au lit pour récupérer, les séjours à l’hôpital, les effets secondaires, etc. Ils ne voient pas les symptômes qu’on arrive tant bien que mal à cacher. Alors qu’ils n’essayent pas de nous réconforter en nous disant qu’il y a pire. Les moments où la souffrance et la douleur dominent ne sont pas moins pénibles parce que l’on sait que certaines personnes sont dans des situations pires. Je préfère comparer mes différentes phases de la maladie puisque cela reste par rapport à du vécu personnel, que je peux comparer en pleine connaissance de cause. Et je peux dire aujourd’hui : « Il y a eu pire, mais il y a eu mieux aussi ».
3. Tiens, ton truc!
– En fait, c’est un fauteuil roulant…
Je n’ai jamais bien compris pourquoi certaines personnes n’arrivaient pas à appeler le fauteuil roulant par leur nom. Est-ce par pudeur ? Par discrétion ? Par gêne ? Je me suis parfois demandé si c’était à cause de la longueur du terme en français, car cela ne m’est que très rarement arrivé en anglais ou en allemand, langues dans lesquelles le mot « fauteuil roulant » est plus court (« wheelchair » et « Rollstuhl »). Mais cela reste quand même assez mystérieux… Le fait d’appeler mon fauteuil roulant un « truc » ne va rien changer au fait que j’ai besoin d’un fauteuil roulant. Et ce n’est pas un gros mot, alors il ne faut pas se gêner pour l’utiliser.
4. Laissez passer l’handicapée…
– Sérieusement?
Honnêtement, difficile de répondre à celle-là. Ça prend un peu de court et ça fait mal. Ne suis-je donc qu’une « handicapée » aux yeux de cette personne-là ? Les handicapés ne sont-ils donc que ça, des « handicapés » ? Ne sont-ils pas avant tout des hommes et des femmes comme les autres ? Il y a un caractère définitif au terme « handicapé ». Ce qui fait mal, c’est qu’il nous réduit à une case, une étiquette : la « handicapée ».
5. Bon courage! Ca doit être dur!
– Sous-entends-tu que j’ai une vie de merde ? Eh non, en fait…Surprise, surprise. Qui l’eût cru?
Ce n’est effectivement pas toujours facile d’avoir une maladie chronique. C’est souvent dur et parfois pénible. Mais ce n’est par pour autant que ma vie ne vaut pas le coup d’être vécue et qu’il me faut tellement de courage pour la vivre. Je crois que j’apprécie d’autant plus ce que je fais chaque jour car je ne le prends pas pour acquis. J’ai appris à quel point la vie est précieuse et incertaine. Alors, je profite de chaque jour pleinement.
Et vous, quelles sont ces phrases que vous ne supportez plus d’entendre depuis que vous avez une maladie chronique ? Pourquoi ?
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