Optimisme, réalisme, cynisme, des termes qui paraissent sans doute assez contradictoires et qui pourtant cohabitent souvent dans une maladie chronique. Le cynisme comme une conséquence sans doute logique et inévitable de la maladie. Le réalisme en tant que confrontation avec la réalité de la maladie. L’optimisme comme un choix, difficile certes, mais indispensable – je pense – pour continuer à vivre avec et malgré la maladie.
Le cynisme, planche de salut?
Dans son acceptation classique, le cynisme est défini comme un « mépris effronté des convenances et de l’opinion qui pousse à exprimer sans ménagements des principes contraires à la morale, à la norme sociale. »[1]
Le cynisme d’un malade chronique ne va sans doute pas aussi loin que mépriser tout l’ordre social établi. En tous cas, ce n’est pas mon cas. Mais le fait est qu’un malade chronique diverge de la norme sociale existante de par sa maladie même. Dans une société qui valorise l’apparence physique plus que la beauté intérieure, le cynisme est une réaction compréhensible lorsque l’on sait qu’on ne pourra même plus essayer de rentrer dans les canons qui nous sont imposés, quand bien même on le voudrait. En tant que malade chronique, je sais que je ne pourrai plus jamais rentrer dans ces normes de bonne santé, de parfaite forme physique, de beauté au sens classique du terme.
Être cynique lorsque l’on a une maladie chronique, c’est une conséquence presque logique de ce qu’on traverse et de ce que l’on vit ou a vécu. On ne ressort pas indemne de séjours à l’hôpital plus ou moins longs, de consultations à n’en plus finir, des médecins innombrables, des traitements, des effets secondaires. Le cynisme dans une maladie chronique est aussi lié à la révolte et la frustration que l’on ressent parfois devant le côté absurde de la maladie ou auprès de certains médecins, soi-disant experts et qui pourtant n’y comprennent rien. C’est enfin remettre en question des choses qu’on prenait pour acquises et dont on se rend compte qu’elles ne l’étaient pas. Ne nous avait-on pas promis que tout irait bien ? Ne nous avait-on pas dit que tout était possible ? Ne nous avait-on pas garanti que la volonté permettait de tout atteindre ?
Alors comment expliquer toutes ces choses qu’on ne maîtrise plus lorsque l’on est malade ? Comment justifier que la volonté seule ne puisse nous sortir de notre lit ? Comment passer au-delà de ce sentiment qu’on s’est « fait avoir » ?
Le réalisme, un moyen de faire face à la situation?
Je pense qu’il y a un baptême de la maladie, comme il y a un baptême du feu ou un baptême de l’air. La maladie et le handicap, qu’ils soient chroniques ou temporaires, marquent au fer rouge. On ne peut pas se dire : « Il faut tenir bon et ensuite, ce sera fini, je pourrai reprendre ma vie d’avant. » J’y ai cru au début, mais j’ai ensuite eu la déception de réaliser que je m’étais trompée… Je pense que, lorsque l’on traverse une telle épreuve, c’est une illusion de se dire que la vie pourra reprendre comme avant. La vie d’avant n’existera plus jamais comme on l’a connue, même si on finit par guérir ou être en rémission. Lorsque l’on traverse quelque chose d’aussi intense, on ne peut pas reprendre comme avant. On a été confronté à trop de choses difficiles pour que cela soit possible. Mais ce n’est pas pour autant que la vie qu’on a après est moins bien. Elle est juste différente.
Peut-être encore plus qu’au cynisme, c’est au réalisme que force une maladie chronique. Refuser d’être réaliste et de voir la réalité de la maladie et de ses symptômes en face peut paraître une échappatoire bienvenue dans une réalité parfois très difficile. Mais refuser de voir cette réalité (à distinguer de refuser cette réalité) génèrera inévitablement des souffrances supplémentaires à cause d’un décalage entre la réalité qu’on souhaite et celle qui est. Il me semble indispensable de d’abord accepter de voir la réalité, celle de la maladie, avant de pouvoir accepter la réalité de la maladie. Je crois qu’il y a un cheminement qui passe par ces deux étapes :
- Quelle est la situation ? Oui, j’ai une maladie chronique avec tel et tel symptôme. J’ai besoin de tel traitement. C’est comme ça, c’est un fait.
- Qu’est-ce que je fais avec cette maladie chronique et comment vais-je le faire? Maintenant que j’ai accepté la réalité de la maladie chronique, je peux décider d’en souffrir. Mais je peux aussi décider de continuer à vivre, malgré et avec la maladie.
L’optimisme pour continuer à avancer?
Choisir de continuer à vivre envers et contre tout en ayant une maladie chronique, c’est justement ça, être optimiste. En effet, être optimiste lorsque l’on est malade, c’est croire que l’on peut vivre sa vie en cheminant avec la maladie. C’est demeurer convaincu que notre vie vaut malgré tout le coup d’être vécue, envers et contre tout. Malgré les hauts et surtout les bas, les traitements, les hospitalisations, les symptômes, la fatigue. C’est croire, même lorsque cela va vraiment mal, que l’on peut aller mieux. C’est croire en l’avenir. C’est regarder vers le futur avec confiance. Pour ma part, je trouve ma vie enrichie par la maladie et tout ce que j’en ai appris et continue de découvrir grâce à elle.
Je ne veux pas vous mentir, ce n’est pas toujours facile d’être optimiste avec une maladie chronique. Il y a des moments de découragements et de lassitude. Parfois une pointe de cynisme est nécessaire pour traverser certaines situations qui semblent absurdes. C’est aussi un moyen de se protéger contre certaines remarques blessantes ou états humiliants. Néanmoins, pour moi, regarder la situation telle qu’elle est, l’accepter et choisir la vie, même avec la maladie, c’est faire preuve d’optimisme, un optimisme réaliste qui aidera à surmonter bien des moments difficiles.
Et vous, qu’en pensez-vous? Quelle est votre attitude face à votre maladie chronique? Plutôt cynique, réaliste ou optimiste? Ou encore autre?
Picture by Nathan Dumlao on Unsplash
[1] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cynisme/21365 (consulté le 08/02/2021)