En forme physiquement, douée à l’école. C’était moi. Avant la maladie. C’était le temps où rarement, je demandais de l’aide, mais où, plutôt, j’en donnais : expliquer une leçon pas comprise à quelqu’un, aider une vieille dame à monter dans le tram ou lui céder ma place assise dans le métro, m’occuper de mes cousins, etc. Dans mon esprit, j’apportais de l’aide, mais je n’en recevais pas. Bien sûr, cela m’arrivait de demander de l’aide aux autres. Mais seulement occasionnellement.
Or, dans une maladie chronique, on a besoin d’aide, même pour des choses basiques, tout spécialement lorsque cela ne va pas bien. Du jour au lendemain, je me suis ainsi retrouvée à avoir besoin qu’on m’aide pour porter mes affaires, enfiler mon manteau, faire des courses, etc. Accepter de recevoir l’aide dont j’avais besoin a été un long cheminement, pas toujours facile, et qui s’est fait en trois étapes.
1. Reconnaître son besoin d’aide
Demander de l’aide nécessite tout d’abord de reconnaître qu’on en a besoin. C’est un premier pas, pas nécessairement agréable, mais indispensable. En effet, reconnaître son besoin d’aide remet face à la maladie et à sa réalité. Au début de ma maladie, à chaque fois que je me retrouvais dans une situation qui ne me posait pas problème avant, mais qui désormais nécessitait une assistance extérieure, je me redisais : « Ah oui, c’est vrai, je n’y arrive plus. Tout ça parce que je suis malade, ça fait pas plaisir ». Avoir besoin d’aide me rappeler constamment ce qui n’était plus possible. Et c’était difficile.
Mais en même temps, dans les premières années de ma maladie, durant lesquelles je n’allais pas bien, ne pas demander d’aide aurait voulu dire rester à la maison en permanence, ne plus pouvoir aller en cours, avoir constamment les cheveux sales – ce qui, c’est vrai, est moins gênant lorsque l’on ne peut de toute façon pas sortir de la maison…
C’est une chose d’avoir besoin d’aide, c’en est une autre d’accepter cette nouvelle position où on se trouve, de recevoir de l’aide et de ne plus en donner (ou en tous cas beaucoup moins ou plus de la même façon qu’avant). Reconnaître mon besoin d’aide a été une leçon d’humilité car il a fallu accepter que, sans les autres, je ne pourrais pas y arriver, là où avant j’étais complètement indépendante. Au début, ce n’est pas forcément évident, pas forcément réjouissant non plus. Mais j’ai assez vite compris que c’était la seule solution si je voulais continuer à faire les choses qui, avant, me paraissaient banales. Aujourd’hui, en comparaison des premières années de ma maladie, je suis presque complètement indépendante. Mais ayant appris à reconnaître quand j’ai besoin d’aide, je n’hésite pas à en demander quand c’est effectivement le cas.
2. Demander de l’aide précise
Au fil des années, j’ai appris à demander de l’aide, en exprimant des besoins précis. Dire à quelqu’un « j’ai besoin d’aide », sans plus de détails, va le mettre dans une situation inconfortable car il ne voit pas comment faire. J’ai compris qu’il fallait formuler clairement et rendre identifiable ce dont j’avais besoin: D’une présence, d’un paquet de biscuits, de m’allonger dans mon lit, d’aller en cours, etc.
Ainsi, je formule désormais ma demande d’aide, en disant clairement : « Pourrais-tu m’apporter un verre d’eau s’il te plaît ? », « Pourrais-tu m’aider à faire mes courses s’il te plaît? » ou « S’il te plaît dessine-moi un mouton. »
Il faut bien reconnaître que je demande beaucoup plus les deux premières choses que la dernière. Même si j’essaye de garder une âme de Petit Prince, avoir un mouton ne fait pas partie de mes besoins essentiels.
Toujours est-il que ces demandes d’aide sont claires, précises et quantifiables. La personne à laquelle je demande de l’aide peut estimer si elle a les ressources et le temps pour le faire et peut ainsi ne pas se sentir dépasser par une demande vague ou trop générale.
3. Ne pas hésiter à demander de l’aide
C’est une autre leçon que j’ai mis du temps à apprendre. J’avais toujours peur de gêner ou de déranger les autres lorsque je demandais de l’aide. Je me disais qu’ils avaient mieux à faire ou qu’ils n’avaient pas le temps. Mais en fait, j’ai compris qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide car les autres ne refusent jamais ou presque. Si on demande simplement, en laissant les autres libres d’accepter, alors ils sont aussi libres de refuser en toute simplicité. Et alors, on pourra demander très facilement à une autre personne.
Si la demande d’aide est claire, je crois que les autres sont globalement plutôt contents d’avoir une occasion de rendre service : Ils se sentent utiles, et le sont effectivement dans le service qu’ils me rendent. Finalement, tout le monde y gagne. Ce qui me paraît toutefois important est de ne pas demander trop souvent à la même personne et de doser la quantité d’aide qu’on demande à chacun pour ne pas créer de lassitude ou un sentiment malsain d’obligation.
C’est donc tout un art d’apprendre à recevoir l’aide dont on a besoin, quelle que soit sa situation, mais tout spécialement dans une maladie chronique où les besoins peuvent être plus grands, mais aussi évoluent au fil des symptômes et des cycles de la maladie. Il faut se rappeler qu’il n’y a aucune honte à demander de l’aide. Finalement, c’est tout simple. Et lorsque cela ne va pas bien, cela peut permettre de faire tellement plus que ce que l’on ferait seul. Ce serait dommage de se priver !
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