Assez baraqué, un sourire en coin, rien ne laisserait penser quand on le rencontre que Nicolas vit depuis plusieurs années avec une épilepsie, qu’il a appris au fil du temps à apprivoiser en dépit de phases plus difficiles. Un entretien très éclairant !
1) Qui es-tu et de quelle maladie chronique es-tu atteint ?
Je m’appelle Nicolas, j’ai 28 ans. Je suis chef de projet dans un hôtel où gère des évènements pour des groupes. Je suis épileptique. Elle s’est déclarée alors que j’avais 14 ans, sans prévenir, du jour au lendemain. Il y a beaucoup de formes d’épilepsie qui existent. J’ai une forme où je fais des crises tonico-toniques qui sont des crises avec des chutes et des convulsions. J’ai aussi des absences qui sont des pertes de connaissances de quelques secondes. Je suis en traitement journalier, mais cela ne m’empêche pas de faire des absences de temps en temps.
2) Comment cette maladie affecte-t-elle ta vie ?
J’ai dû me créer une petite routine, la « routine du médoc ». Avec cette maladie, je suis en traitement, je prends des médicaments matin et soir pour pouvoir limiter le nombre de crises et d’absences. Cela a un impact dans le sens où il faut toujours prévoir les médicaments. Il faut toujours être sûr que j’aie ce qu’il faut, par exemple quand je pars en week-end. On devient plus prévoyant. Il faut aussi prévoir pour obtenir les médicaments : Quand j’essaye un nouveau traitement, c’est le neurologue à l’hôpital qui me fait une ordonnance et ensuite c’est le médecin généraliste qui peut faire les ordonnances. Comme ce sont des traitements longue durée, ce sont des ordonnances qui durent sur six mois, donc il y a une certaine flexibilité. Mais pour un de mes médicaments, je suis obligé d’aller à la pharmacie de l’hôpital car il n’est pas disponible autre part.
Les absences arrivent principalement pendant les moments où je suis plus fatigué ou parfois plus stressé, donc il faut que je sois plus vigilant sur ce que je peux faire ou par exemple, quand je sors en soirée.
Il faut réussir à trouver l’équilibre. Quand je ne le respecte pas, je sais ce que je risque et à quoi m’attendre en retour: Par rapport à une personne lambda, le risque c’est que je fasse une absence ou une crise.
3) Comment ta famille/amis y ont-ils fait face et/ou y font-ils face ?
Ça a été un choc pour ma famille. J’ai fait ma première crise en Angleterre, donc j’étais très loin de mes parents. C’est une maladie dont je n’avais jamais entendu parler. J’avais 14 ans et je me suis retrouvé dans un hôpital anglais, un peu stressé. Après plusieurs semaines et un certain nombre d’examens, on a réussi à découvrir ce qu’était cette maladie. En fait, on l’a découverte en famille car personne ne la connaissait. J’ai eu l’énorme chance d’être soutenu par ma famille dans cette épreuve. Et ils me soutiennent encore aujourd’hui parce qu’il y a encore des moments où ce n’est pas simple : moralement ou physiquement quand je fais des crises ou absences. Mais je sais qu’ils sont là et que je peux compter sur eux s’il y a besoin. C’est bien de savoir qu’on peut être soutenu par certaines personnes.
Concernant les amis, ça permet de faire le tri : Il y a des personnes qui vont comprendre, qui vont faire comme si de rien n’était et avec lesquelles, cela va bien se passer. Et il y a des personnes à qui cela va faire peur, qui ne vont pas essayer de comprendre, qui n’en ont rien à faire, qui diront « Tu n’es pas comme nous, tu n’as rien à faire avec nous », qui s’éloigneront et partiront en nous rayant de leur vie. Un avantage : tu sais en qui tu peux vraiment avoir confiance ou pas. Quand tu es épileptique, cet aspect est très important. Il faut savoir s’entourer des bonnes personnes pour pouvoir avancer.
“J’avance étape par étape, et je suis fier quand j’ai franchi une étape malgré la maladie.” – Nicolas Ferré
4) Qu’est-ce qui a été, ou est le plus difficile dans la maladie ?
Au début de la maladie, il y a la phase de compréhension, de tout simplement comprendre ce qui t’arrive. On se demande ce qui se passe et ce qu’on a. Et puis, on se demande : « Pourquoi moi ? » La chose la plus difficile, c’est l’acceptation, c’est de se dire que oui, on est malade, qu’on est épileptique. C’est d’accepter qu’on soit comme ça, mais de continuer à avancer malgré tout, sans déprimer, ou s’enfermer chez soi en ayant peur de tout. Il faut arriver à continuer à s’ouvrir.
Après l’acceptation, il y a la façon d’en parler. C’est une maladie qui n’est pas facile à annoncer aux autres, parce qu’elle ne se voit pas. Les gens qui te croisent dans la rue ne vont pas dire : « Ah, il est épileptique. » Ils ne le savent pas.
Quand la maladie ne se voit pas, il y a toujours la question tout d’abord d’oser en parler, puis quand l’aborder, comment en parler, avec qui, à quel moment. L’épilepsie reste une maladie très mal connue. Il y a ainsi un ensemble de questions auquel il faut répondre. La façon d’aborder le sujet n’est pas la même en fonction des personnes. La réaction des gens n’est pas la même, il faut savoir s’adapter à la réaction des gens, tout en restant dans l’acceptation. Il faut continuer à avancer et à en parler, même si on essuie parfois des rejets.
5) Qu’est-ce que tu es le plus fier d’avoir accompli malgré ta maladie ?
Il y a plusieurs choses.
Tout d’abord, c’est d’avoir continué mes études et de les avoir réussies, d’avoir obtenu un master et qu’au jour d’aujourd’hui, la maladie ne m’empêche pas d’avancer dans la vie professionnelle et d’être aujourd’hui à un poste qui m’intéresse, que je suis allé chercher malgré mon épilepsie, et qui est loin d’être un poste par défaut, une solution de facilité.
Ensuite, ce sont les témoignages : C’est d’oser en parler, par écrit, à la télé, dans des reportages. Cela rajoute une force interne, comme si avec le fait d’en parler, j’étais plus fort que la maladie. Ça fait découvrir la maladie à de nouvelles personnes, qui pour certaines, me remercient à posteriori. Ce qui fait toujours du bien. Il y a comme un retour sur investissement.
6) Y a-t-il quelque chose que tu aurais fait différemment ?
Il y a souvent des choses où on se dit qu’on les ferait différemment si on devait les refaire. Mais finalement, je n’aurais rien fait de différemment. J’ai réussi à avancer malgré la maladie et c’est pour moi une des choses les plus importantes.
7) Qu’est-ce qui te motive?
Une personne qui vit avec une maladie est plus forte que quelqu’un qui vit « sans maladie » parce qu’elle ne vit pas les mêmes épreuves, elle ne vit pas la même chose. Je subis cette maladie, mais j’essaye malgré tout de garder la tête haute pour pouvoir avancer. J’avance étape par étape, et je suis fier quand j’ai franchi une étape malgré la maladie, d’avoir réussi à le faire. Je pense qu’une personne malade qui réussit ressent plus de fierté qu’une personne lambda parce que cela lui a coûté beaucoup plus d’efforts et de travail. Chaque succès est une victoire plus importante. C’est « Moi : 1 – Maladie : 0 ». A une époque, je faisais mes scores à la fin de la journée, et parfois, je me retrouvais à 5 – 0. Ça fait du bien !
8) Une leçon apprise ?
Quand on est malade, les plus petits gestes peuvent faire une différence. Parfois, ces petits gestes qu’on peut faire pour une personne qui est malade peuvent lui faire énormément de bien, même si pour la personne qui le fait, ce n’est pas grand-chose. J’ai envie de partager une histoire à ce sujet : On m’avait toujours dit qu’en tant qu’épileptique, je ne pourrais pas travailler avec des enfants à cause des risques de crises. L’un de mes cousins, qui était au courant de mon épilepsie, a choisi de me faire confiance pour que je l’accompagne dans une colonie de vacances avec des enfants de primaire. J’ai fait une crise devant eux et je suis allé me reposer. Mon cousin a expliqué aux enfants ce qui s’était passé et quand je suis revenu, tous les enfants m’ont sauté dans les bras. Ce n’était pas grand-chose pour eux, mais moi, ça m’a beaucoup touché. Quand c’est dur, je repense souvent à ce moment-là pour continuer à me battre. De manière générale, quand j’ai des moments difficiles dans la maladie, cela m’aide de penser aux personnes qui m’aiment pour décider de continuer à me battre pour elles.
9) Un conseil?
Parler de la maladie, c’est être plus forte qu’elle parce qu’on ose en parler. Parler de la maladie ne peut vous faire qu’avancer !
“Quand on est malade, les plus petits gestes peuvent faire une différence.” – Nicolas Ferré
10) Un dernier mot pour conclure ?
Je donnerais surtout un conseil : Si vous êtes atteint d’une maladie, dites-vous que c’est à vous de choisir si vous voulez qu’elle soit plus forte que vous, alors vous ne ferez que la « subir », ou si vous souhaitez lui prouver que vous pouvez êtes plus forte qu’elle, alors ça ne pourra que vous faire avancer.
Photo de Nicolas Ferré
Merci à vous pour ce témoignage!
Bravo pour votre courage et votre optimisme!
J’avais une amie au Lycée à Paris qui souffrait du même type de pathologie: ayant été très jeune ainsi confrontée à cette maladie, je mesure votre parcours.
Continuez! Soyez heureux!
Bien cordialement,
Elisabeth Colin